Comment les GAFAM et acteurs du commerce en ligne opérant au Cameroun doivent appliquer la TVA de 19,25% sur la vente de leurs services et produits

Gafam au Cameroun

[ICT Media STRATEGIES] – Comme indiqué sur Digital Business Africa il y a quelques jours, à partir du 1er octobre 2020 au Cameroun, Facebook va appliquer une TVA supplémentaire de 19,25% sur les publicités achetées par les abonnés à des fins professionnelles ou personnelles. Le réseau social qui a fait l’annonce précise à l’intention de ses abonnés qu’ils pourraient payer plus pour atteindre l’objectif de leurs campagnes publicitaires. « La TVA étant ajoutée en plus des frais, vous n’atteindrez pas votre seuil de facturation plus rapidement, mais vous pourriez être facturé plus que le montant de votre seuil de facturation. Si vous payez pour des publicités Facebook avec un mode de paiement prépayé, la TVA est comptabilisée au taux applicable lorsque votre compte publicitaire est alimenté pour déterminer le solde total disponible », indique Facebook Business à ses abonnés.

L’application de cette taxe par Facebook est conforme à la loi des finances 2020 du Cameroun, qui, pour la première fois, oblige les acteurs nationaux et internationaux de l’e-commerce d’imposer la TVA de 19,25% aux services et produits vendus en ligne. L’Article 127 de cette loi des Finances 2020 dispose en effet que la TVA est imposable aux opérations de « ventes de biens et des prestations de services effectuées sur le territoire camerounais ou à travers les plateformes de commerce électronique étrangères ou locales ».

Entrent également dans le champ de la perception de cette TVA, les commissions perçues par les opérateurs des plateformes de commerce en ligne à l’occasion de la vente des biens et services sur le territoire camerounais. La direction générale des impôts du Cameroun précise qu’il s’agit des sommes versées par le vendeur et/ou l’acquéreur en rémunération de l’utilisation de ces plateformes électroniques.

Facebook souhaite donc se conformer à la réglementation camerounaise qui oblige toutes ces plateformes de commerce en ligne, y compris les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), à collecter et à reverser la TVA. Joint par Digital Business Africa et ICT Media STRATEGIES, un porte-parole de Facebook rassure que « conformément à la loi fiscale introduite par la loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2020 (loi n° 2019/023), à compter du 1er octobre 2020, la TVA sera perçue auprès des clients camerounais et payée au gouvernement camerounais ».

Facebook TVA au Cameroun

Faisabilité pour les abonnés Facebook

L’entreprise de Mark Zuckerberg a informé les abonnés et annonceurs camerounais de cette évolution via un mail envoyé ce 17 septembre 2020. Facebook indique également que tous les annonceurs et abonnés sollicitant les services publicitaires ne sont pas obligés de saisir un numéro d’identification fiscale camerounais.

« Cependant, si vous êtes inscrit à la TVA et que vous fournissez votre numéro d’identification fiscale, votre numéro d’identification fiscale apparaîtra sur vos reçus d’annonces. Cela peut vous aider à récupérer la TVA que vous avez payée aux autorités fiscales camerounaises si vous êtes une entreprise immatriculée à la TVA au Cameroun », précise l’équipe de  Facebook Business.

Etant donné que la TVA est retenue sur les ventes de biens et les prestations de services de toute nature effectuée sur le territoire camerounais à travers les plateformes de commerce électronique étrangères ou locales et vu la complexité de la localisation des services vendus en ligne, de nombreux internautes se demandent probablement comment l’on détermine qu’un annonceur est basé au Cameroun.

Facebook considère pour sa part que la juridiction fiscale est déterminée sur la base des informations d’adresse professionnelle ou personnelle fournies sur le compte publicitaire Facebook.

Pour ajouter son numéro d’identification fiscale à son compte publicitaire Facebook, les abonnés et annonceurs sont invités à accéder aux paramètres du compte et défiler jusqu’au champ intitulé « Numéro d’identification TVA » où ce numéro peut être ajouté.

Facebook indique également que tous les annonceurs et abonnés sollicitant les services publicitaires ne sont pas obligés de saisir un numéro d’identification fiscale camerounais. Par contre, en enregistrant leur numéro d’identification TVA sur leur compte publicitaire Facebook, les internautes ou annonceurs immatriculés au Cameroun peuvent à l’avenir récupérer auprès du gouvernement la TVA payée aux autorités fiscales.

Pour la direction générale des impôts que dirige Modeste Mopa Fatoing, sont réputées réalisées au Cameroun et donc taxables à la TVA au Cameroun, les prestations de services fournies à partir des plateformes électroniques dès lors que le preneur y est établi ou y a son domicile ou sa résidence habituelle, quel que soit le lieu d’établissement du prestataire.

Modeste MOPA : « En matière de numérique au service de la fiscalité, le champ des possibles ne fait que s’ouvrir »
Modeste MOPA – Directeur Général des Impôts du Cameroun

Premier pays en Afrique francophone, le Cameroun peut servir d’exemple

La collecte de la TVA par Facebook au pays des Lions indomptables, fait du Cameroun le premier pays d’Afrique francophone où cette mesure est appliquée et le troisième pays en Afrique. Ceci après l’Afrique du Sud où cette mesure est appliquée depuis le 01er mai 2019 suivie du Zimbabwe, où Facebook applique cette disposition fiscale depuis le 01er septembre 2020.

Facebook applique déjà cette TVA dans près de 54 pays dans le monde avec la spécificité selon laquelle si votre adresse d’acheteur se trouve dans l’un des 27 pays de l’Union européenne, et vous n’achetez pas des publicités Facebook à des fins commerciales, mais à des fins privées non commerciales, Facebook applique la TVA au montant d’achat de vos publicités Facebook au taux local en vigueur.

D’autres pays africains peuvent suivre l’exemple camerounais, car il y a des moyens de renflouer les caisses des Etats africains et utiliser ces ressources pour accélérer la croissance des pays africains. Surtout qu’un porte-parole de Facebook nous a rassurés à Digital Business Africa et à ICT Media STRATEGIES que « Facebook prend ses engagements au sérieux et paye toutes les taxes requises par la loi. Facebook est enregistrée, facture et reverse la TVA dans les pays où la législation en vigueur nous y oblige ». Occasion pour les autres pays africains de prendre le réseau social au mot.

Pays dans le monde où Facebook applique la TVA à ses abonnés

PaysDate début collecte de la TVA
Inde1er octobre 2018
Australie1er août 2018
Russie1er janvier 2019
Québec1er mars 2019
Colombie1er décembre 2018
Turquie1er avril 2019
Afrique du Sud1er mai 2019
Corée du Sudxx
Nouvelle-Zélandexx
Singapour 1er janvier 2020
Royaume d’Arabie saoudite1er septembre 2019
Bahreïn 1er septembre 2019
Émirats arabes unis1er août 2019
Biélorussie 1er mars 2020
Barbade 1er avril 2020
Hawaii1er mai 2020
Bangladesh 1er juillet 2019
Chili 1er juillet 2020
Indonésie 1er juillet 2020
Cameroun 1er octobre 2020
Zimbabwe 1er septembre 2020
Équateur 01er mai 2018
Costa Rica1er octobre 2020
Moldavie 1er octobre 2020
Les 27 pays de l’Union européenneSpécificité : Facebook applique la TVA au montant d’achat de vos publicités Facebook au taux local en vigueur au cas où vous achetez des publicités Facebook à des fins privées non commerciales. D’autres spécificités disponibles.
Source : ICT Media STRATEGIES, avec les données de Facebook.

Comment le Cameroun met en œuvre la TVA sur le commerce électronique

Comme indiqué plus haut, l’Article 127 de la loi des Finances 2020 stipule que la TVA est imposable aux opérations de « ventes de biens et des prestations de services effectuées sur le territoire camerounais ou à travers les plateformes de commerce électronique étrangères ou locales ».

Pour la mise en œuvre adéquate de cette mesure, le directeur général des Impôts du Cameroun, Modeste Mopa Fatoing, a signé le 21 février 2020 la circulaire N°006/MINFI/DGI/LRI/L précisant les modalités d’application des dispositions fiscales de la loi N°2019/023 du 24 décembre 2019 portant loi de  finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2020.

Même si un probable texte particulier apportant des précisions complémentaires en matière de taxation de la TVA sur les activités du commerce en ligne peut intervenir dans l’avenir, de nombreuses dispositions pour la faisabilité de cette innovation au Cameroun sont déjà effectives et applicables.

Parmi ces dispositions, l’immatriculation au Cameroun. Condition préalable pour collecter et liquider cette TVA. La direction générale des impôts a simplifié la procédure  d’immatriculation pour les opérateurs de plateformes numériques étrangères qui peuvent le faire à distance, par voie électronique, sans arriver forcément au Cameroun pour les procédures. Ces grands acteurs de l’économie numérique comme Facebook, Google et les autres peuvent effectuer leur demande d’immatriculation en ligne à travers le portail web de la DGI à l’adresse www.impots.cm.

Ces demandes d’immatriculation des plateformes étrangères de commerce en ligne doivent être faites dans un délai de quinze jours à partir de la date de notification de leurs obligations fiscales par l’administration fiscale, ou du début de leurs opérations au Cameroun pour ce qui est des plateformes nouvellement créées.

Pour une meilleure organisation de ce travail, la Division en charge des enquêtes de la DGI recense l’ensemble des plateformes qui opèrent au Cameroun et prend les mesures nécessaires afin de les informer de leurs obligations fiscales, notamment celle d’immatriculation en application des dispositions de l’article L 1 du CGI (Code général des impôts).

Une fois immatriculée au Cameroun, l’opérateur du service en ligne peut donc commencer la collecte et le reversement de la TVA. Pour ce qui est de Facebook au Cameroun, un porte-parole du réseau social a confié à Digital Business Africa que « Facebook est enregistrée, facture et reverse la TVA dans les pays où la législation en vigueur nous y oblige », le Cameroun y compris.

La DGI à Yaoundé au Cameroun

Modalités de reversement de la TVA

Au Cameroun, les modalités de liquidation, de collecte et de reversement de la TVA sur les opérations de commerce en ligne diffèrent selon que la plateforme en ligne est ou non établi au Cameroun.

Lorsque l’opérateur de la plateforme n’est pas établi au Cameroun, il lui incombe l’obligation de liquider, collecter et reverser la TVA sur la transaction et la commission y relative. Pour ce faire, il est préalablement tenu de s’immatriculer comme mentionné plus haut.

Lorsque l’opérateur de la plateforme est établi sur le territoire camerounais, la TVA sur les ventes en ligne  effectuées à travers les plateformes de commerce électronique établies au Cameroun ainsi que les commissions y relatives, est simplement liquidée, collectée et reversée suivant les conditions de droit commun. La TVA due sur la transaction principale réalisée en ligne (vente d’un bien ou fourniture d’un service) est donc collectée par le fournisseur du bien ou service et reversée auprès de son centre des impôts de rattachement.

L’opérateur de la plateforme quant à lui facture et collecte la TVA sur les commissions payées par son client et la reverse dans le compte du receveur des impôts de son centre de rattachement.

Pour ce qui est de la déclaration de la TVA proprement dite, elle est effectuée par les opérateurs de plateformes électroniques non domiciliés au Cameroun à travers l’interface de télé-déclaration accessible via le site web de la DGI www.impots.cm au plus tard le 15 de chaque mois.

Sur le portail web de la DGI, ces plateformes de commerce électronique peuvent créer un compte professionnel de télé-procédures. Cette étape de la procédure est réalisée exclusivement lors de la première opération. Une fois le compte créé, l’opérateur se connecte à la plateforme de télé-déclaration avec son « login » et son mot de passe, renseigne le chiffre d’affaires réalisé sur la période et liquide la TVA due. Car, les plateformes en ligne déclarant cette TVA sont tenues de renseigner le montant du chiffre d’affaires réalisé au cours du mois, le montant de la TVA et le montant TTC. Une fois tous ces renseignements intégrés, le système génère automatiquement un avis d’imposition. Toujours en ligne, l’opérateur de commerce électronique effectue le paiement (par virement bancaire ou par voie électronique) via l’onglet de télépaiement.

La TVA sur les transactions effectuées en ligne est reversée dans le compte du receveur des Impôts de la Direction en charge des Grandes Entreprises au RIB « 12001 00497 11111111111- 23 ». Une fois le paiement effectué, l’applicatif génère automatiquement une confirmation de paiement et édite la quittance qui est transmise par voie électronique au contribuable.

Les spécificités de la collecte de la TVA en ligne au Cameroun

La DGI a prévu certaines spécificités dans la collecte de cette TVA par les opérateurs des plateformes web de commerce électronique. Par exemple, lorsque la transaction en ligne porte sur un bien matériel, la TVA n’est pas collectée par l’opérateur de la plateforme, mais plutôt par les services de la douane lors du franchi cordon douanier, en application des dispositions de l’article deuxième alinéa 9 de la loi N°2016/018 du 14 décembre 2016 portant loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2017 et au termes de la circulaire N° 371/MINFI/DGD du 23 décembre 2016 précisant les modalités d’application des dispositions douanières de ladite loi.

Lorsque les biens immatériels sont acquis en ligne par les particuliers ou les entreprises, l’opérateur de la plateforme collecte et reverse la taxe. Toutefois, pour les contribuables assujettis à la TVA, en l’absence de la collecte et du reversement par l’opérateur de la plateforme, l’entreprise peut spontanément liquider et collecter la taxe.  Dans ce cas, les services fiscaux procèdent aux contrôles d’usages sans préjudice des contrôles effectués par les services douaniers.

Dans tous les cas, la TVA due sur la quote-part des commissions reçues par un opérateur pour les biens et services consommés au Cameroun est collectée et reversée au Cameroun par l’opérateur concerné.

Les sanctions applicables

Le non-respect des obligations déclaratives et de paiement de la TVA prévues entraine la suspension de l’accès à la plateforme de la DGI à partir du territoire camerounais. Ceci sans préjudice des sanctions prévues par le Livre des procédures fiscales. Pour ce faire, la Division en charge des enquêtes, sur la base des informations à sa disposition, initie les diligences nécessaires à la mise en œuvre effective de cette sanction auprès du ministère en charge des Postes et des Télécommunications et auprès de tous les autres organismes compétents.

Au-delà de la collecte de cette TVA par Facebook, le Cameroun et d’autres pays africains qui font face à de nombreux défis et qui recherchent sans cesse au fil des années des moyens d’élargissement de leur assiette fiscale peuvent imposer aux GAFA une taxe sur les services digitaux qui concernera cette fois-ci un pourcentage sur les revenus générés par ces GAFA dans les pays où ils opèrent. L’exigence de cette nouvelle taxe commande d’autres défis à relever. A suivre…

Par Beaugas Orain DJOYUM, DG du cabinet ICT Media STRATEGIES et DP de Digital Business Africa

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